Il se sentait prêt, en lui tout était apaisé, seul le mumure des vagues chantait. Sans hâte, il se mit en route, tenant l'épée à la main, la pointe effleurant le sol. Il traversa ainsi la caverne et atteingnit Taur Ereb. Il franchit le pont et se dirigea vers la fontaine d'Elbereth. Après un bref arrêt, il s'approcha de la statue et disparut dans les profondeurs de la montagne. Il marcha dans la pénombre avec pour seule lumière celle qu'il portait en lui et celle de Megil en Elerinnaë. Il déboucha enfin dans la crique où régnait une brume perpétuelle. Nul besoin de chercher à s'orienter, il y avait une force ici qui le guidait. Il rejoignit le rivage et monta dans l'embarcation. Quelques instants plus tard, le fond de la barque caressait le sable de la plage qui bordait l'Ile Oubliée. Il descendit et fit quelques pas vers le Coeur de Lumière. Il s'immobilisa, ressentant l'énergie et s'harmonisant avec elle, il savait que le contrecoup qu'il avait subi jusqu'à présent en venant en ces lieux ne serait qu'un souvenir désagréable. Il parcourut le court espace qui le séparait encore du cercle lumineux. La force s'intensifia et l'épée qu'il tenait brillait intensément comme si elle absorbait la lumière. Il se tint immobile un long moment, tout prêt du joyau étincellant.
Puis, il fit pivoter la lame et, tout en posant un genou à terre, la ficha en terre. L'arme vibra quelques instants devant lui. Elle resterait désormais là, immobile dans la lumière, attendant la seule main qui pourrait s'approcher du Coeur pour la retirer de la Terre Sacrée. Peut-être demeurerait-elle ainsi à jamais droite et lumineuse jusqu'à la fin des âges.
Sans y penser, il prit la fleur d'aurélie qu'il portait dans un repli de son vêtement, il l'avait emmenée avec lui jusqu'ici. Etrangement, la fleur n'avait pas flétrie et s'était conservée intacte. Il la déposa au pied de Megil en Elerinnaë, hommage humble et solitaire. Il se releva et recula un peu. L'épée flamboyait et l'on pouvait discerner aisément la fine gravure elfique, inscrite sur la lame près de la garde, qui scintillait : Nan chatol ar i el. Après un dernier regard, il se détourna et rejoignit la plage. Il s'avança dans la mer et s'arrêta quand l'eau lui arriva à mi-cuisse. Levant la tête vers les étoiles qui naissaient dans la nuit, celui qui parfois était appelé Olosta, chanta dans la brume du crépuscule. Et tandis que son chant s'élevait, l'anneau à son doigt luisait et un plant d'Aurélie fleurissait au pied d'une épée.